Objectifs
À la fin de ce chapitre, vous pourrez :
- définir clairement les raisons, la stratégie et les objectifs du changement
- former une équipe d’acteurs du changement;
- gérer le changement (le justifier, mobiliser les parties prenantes et cerner les nouveaux comportements et les nouvelles habitudes qui l’encadreront et le renforceront).
Introduction
Les exigences de l’environnement volatil, incertain, complexe et ambigu (VICA) d’aujourd’hui exercent une pression extraordinaire sur les directeurs et directrices de programme. Jamais il n’a été aussi exigeant de diriger, à une époque où le milieu des soins de santé est en rapide évolution. Les facteurs qui alimentent cette transformation sont nombreux : pressions économiques, changements démographiques, intégration des principes d’équité, diversité et inclusion (EDI), intelligence artificielle, changements technologiques; autant de facteurs qui exigent de faire preuve d’une plus grande innovation, mais avec souvent moins de ressources et de soutien financier. Pour gérer les bouleversements auxquels nous assistons au travail, nous devons être prêts et outillés pour diriger le changement. Ce chapitre présente brièvement d’importantes stratégies de gestion du changement que vous pourrez utiliser dans votre rôle de directeur ou directrice de programme (DP). L’objectif est de vous outiller des compétences, des pratiques et de l’assurance dont vous avez besoin pour être un leader du changement efficace.
Partir sur une bonne base
À un moment ou un autre au cours de votre mandat de DP, vous verrez sans doute que quelque chose doit changer, mais vous vous sentirez dépassé à l’idée de savoir quoi faire et comment le faire. L’instauration d’un changement relève plus de l’art que de la science. Il n’existe pas d’approche toute faite qui puisse fonctionner à coup sûr dans toutes les situations. En tant que DP, votre vrai travail dans la direction du changement est de saisir une situation complexe pour en faire ressortir les éléments les plus utiles à la réalisation du changement. La direction du changement demande d’être prêt à assumer son rôle de directeur ou directrice, de bâtir des équipes et des relations de confiance, de mobiliser les gens, et de vouloir enclencher le processus et s’adapter au fil des apprentissages, tout cela malgré la pression et l’inconfort. Même s’il est difficile de mener des changements en formation médicale (surtout s’ils sont complexes), il s’agit d’une noble cause : c’est la seule façon d’améliorer la formation offerte aux futurs médecins et elle contribue à l’amélioration de notre culture et de nos organisations médicales. Comme l’affirme Peter Block, spécialiste du changement, « La volonté, le courage et la détermination face aux difficultés sont le prix du changement1 ».
Il n’est pas facile d’instaurer le changement dans les programmes de résidence. La formation médicale postdoctorale est un système complexe et non linéaire en interaction avec plusieurs autres composantes d’un système de soins de santé universitaire qui comprend les cliniques communautaires, les hôpitaux de soins tertiaires, les organes directeurs nationaux et de nombreuses autres institutions. Il arrive que ces organisations travaillent en silo et suivent leurs propres cultures, valeurs et croyances. L’idée de mettre en œuvre un changement susceptible d’avoir un effet durable sur l’ensemble de ces sphères peut sembler décourageante, mais elle est possible. Si vous adoptez une approche structurée, vous vous aiderez vous-même, mais aussi les personnes qui s’attendent à ce que vous les orientiez et les souteniez. Une approche structurée est essentielle au succès; sans elle, la plupart des initiatives de changement échouent. Dans la prochaine section, vous découvrirez certaines des pratiques clés liées à la réussite des processus de changement, que vous pourrez utiliser pour structurer votre propre processus.
Tracer la voie au sein de son programme
En tant que responsable du changement, vous devrez manifester votre leadership et votre soutien avec aplomb et dynamisme tout au long du processus de changement. Vous devrez justifier le changement que vous proposez; évaluer ses effets possibles; mobiliser les parties prenantes, bien communiquer avec elles tout au long du processus et naviguer à travers leurs réactions; vous assurer que tout le monde sait quoi faire, avec les mêmes objectifs en tête; et apporter conseils et soutien. Le manque de compétences en leadership parmi les têtes dirigeantes (les compétences dont la direction a besoin pour diriger efficacement) ressort constamment comme principal obstacle à la mise en œuvre réussie du changement au sein des organisations. Pour mener le changement, il ne faut pas seulement bien connaître le sujet et posséder une expertise technique; il faut aussi savoir comment gérer les dynamiques interpersonnelles, relationnelles et collectives.
Définir le changement
Avant de se lancer dans un processus de changement, il est très important d’avoir défini le problème et de disposer d’une approche systématique pour choisir les solutions possibles. La première étape de votre parcours est de définir le changement que vous envisagez. Êtes-vous capable d’expliquer clairement le changement nécessaire? Ses raisons? Qui sera impacté? La façon dont il améliorera votre programme? S’il apportera d’autres avantages en dehors de votre programme? Imaginez-vous dans un ascenseur avec des collègues. Vous avez une excellente idée que vous souhaiteriez réaliser pour votre programme; pouvez-vous expliquer rapidement et précisément ce que vous aimeriez changer avant que vos collègues ne sortent au prochain étage? Lorsque vous aurez une bonne compréhension du changement que vous souhaitez mettre en œuvre, vous pourrez commencer à bâtir votre équipe.
Bâtir et diriger une équipe soudée
Pour réussir à apporter un changement, il faut parfois mobiliser l’enthousiasme d’un grand nombre de gens envers un avenir meilleur. Ceci favorise la préparation au changement, tout en tenant compte des points de vue, priorités et besoins du grand nombre de personnes et de groupes concernés par le changement. Allez-y petit à petit, puis recrutez et mettez en contact un groupe de personnes en établissant les liens et en apportant de la clarté. Ne vous lancez pas seul. Une bonne façon de commencer à mobiliser votre équipe est de trouver vos innovateurs et les personnes déjà convaincues du bien-fondé de votre initiative. Il y en a dans tous les programmes; il suffit de les trouver. Travaillez avec ces personnes au lieu de vous battre contre celles qui ne sont pas encore prêtes à adopter le changement ou qui sont plus résistantes au changement. Essayez aussi de recruter les personnes susceptibles d’être les plus touchées par le changement proposé. Leurs perspectives risquent d’être omises si vous ne portez attention qu’aux personnes les moins concernées. Aux dernières étapes d’un processus de changement, le fait d’avoir dans votre équipe des personnes très concernées par le changement (p. ex., des personnes qui ont le bagage requis pour parler de langage inclusif) aide à trouver de meilleures solutions et augmente les chances que le changement soit accepté par les groupes très concernés.
Patrick Lencioni, l’un des experts les plus reconnus dans le domaine de la formation d’équipe, définit une équipe comme étant un petit groupe de personnes collectivement responsables de réaliser un objectif commun pour leur organisation2,3. La taille des équipes est importante; il recommande un nombre de trois à douze personnes pour maximiser leur efficacité. Un élément clé de l’efficacité d’une équipe est la qualité de la communication qui résulte de l’équilibre entre la confirmation et la recherche d’informations. Le modèle d’équipe efficace de Lencioni présente cinq facteurs qui caractérisent les équipes soudées (figure 14.1)4. Ils s’ajoutent l’un à l’autre.
- Confiance – La confiance est préalable au changement et rend le travail d’équipe possible. Les spécialistes du changement disent souvent que le niveau de confiance détermine la vitesse du changement5. Les gens doivent faire confiance aux meneurs du changement pour suivre leur plan. Bien souvent, ceux qui mènent la barque surestiment le soutien dont ils disposent. Au moment d’apporter un changement dans votre programme de résidence, il est de votre responsabilité, en tant que DP, de créer un environnement sûr où les membres de votre équipe peuvent se montrer vulnérables, en particulier lorsque des personnes traditionnellement sous-représentées font part de points de vue ou de vécus qui ne sont peut-être pas ceux de la majorité de l’équipe. La seule façon d’y arriver est de servir d’exemple et de montrer la voie en faisant preuve de transparence, en admettant vos erreurs et vos faiblesses et en demandant de l’aide. Lorsqu’il y a un climat de confiance, les équipes sont plus à même de s’engager dans des conflits productifs en incluant et en explorant les différences et en travaillant à la recherche de solutions communes.
- Conflit – Pour encourager votre équipe à vivre les conflits de manière plus saine, il est utile d’établir des règles de participation. Précisez que, pendant les discussions, vous tiendrez pour acquis que « qui ne dit mot consent ». Cela encouragera les gens à participer pour s’assurer que leur point de vue est entendu. Il est également impératif que vous reconnaissiez quand un conflit met à l’écart les personnes marginalisées, en particulier lorsque le changement porte sur des questions liées à l’équité, la diversité, l’inclusion et l’accessibilité (EDIA). En restant à l’affût des opinions les plus entendues et abordées pendant une discussion, vous verrez plus facilement si des perspectives intéressantes ont été délaissées. En tant que leader du changement, il est de votre responsabilité d’orienter le conflit et d’instaurer un climat sécuritaire et de confiance afin d’intégrer ceux qui sont à l’écart. Les conflits sains contribuent à l’engagement des équipes.
- Engagement – Les gens ne s’engagent que si on leur donne la chance de partager leur point de vue. Il n’y a pas d’adhésion sans participation. À la fin de chaque discussion, faites un tour de table et demandez à chaque membre de l’équipe s’il s’engage à prendre une décision. À noter qu’il ne s’agit pas d’obtenir un consensus; les gens peuvent être en désaccord et quand même s’engager à respecter une décision. Après avoir entendu tout le monde, vous pourrez prendre une décision claire permettant à chacun de comprendre ce qui a été conclu et ce qui doit être fait.
- Responsabilisation – Les membres de votre équipe et vous-même devez vous tenir mutuellement responsables de vos engagements et de vos actions. Vous pouvez ensuite passer en revue ces engagements lors de réunions individuelles ou d’équipe.
- Résultats – Après avoir établi un climat de confiance, pris des engagements et misé sur la responsabilisation, les membres de l’équipe peuvent s’attaquer aux priorités communes et à l’atteinte de résultats.
Figure 16.1: La pyramide de la confiance de Lencioni : les cinq comportements d’une équipe soudée
Lencioni P. The advantage: why organizational health trumps everything else in business. San Francisco : Jossey-Bass; 2012. Reproduit avec permission.
Les débuts du processus de changement
Pourquoi le changement est-il difficile et comment le faire évoluer?
Au fil de discussions avec des DP de partout au pays à propos des obstacles à la mise en œuvre d’un changement, tel que la transition vers La compétence par conception, la difficulté qui a été le plus souvent soulevée est de mobiliser le corps professoral, les résidents et les autres parties prenantes. C’est inévitable : tenter de transformer les habitudes quotidiennes des gens n’est pas une tâche facile. Dans son livre Nous sommes tous mortels, le Dr Atul Gawande cite le Dr Bill Thomas : « La culture est la somme des habitudes et des attentes partagées […] La culture possède une incroyable force d’inertie […] C’est ce qui en fait une culture. Elle marche parce qu’elle dure. La culture étouffe l’innovation6 ».
La neuroscience et la psychologie nous ont enseigné que nous sommes faits pour résister au changement parce qu’il nous force à adopter de nouveaux comportements et de nouvelles habitudes qui viennent remplacer nos procédures opérationnelles normalisées. C’est très éprouvant pour notre cerveau qui est guidé par deux systèmes – la raison et les émotions – dont les besoins sont souvent contradictoires. Comme l’expliquent Chip et Dan Heath dans Switch : osez le changement, l’esprit rationnel veut un beau corps à la plage, tandis que l’esprit émotionnel veut un biscuit Oreo7. Quand on leur parle d’un changement à venir, la plupart des gens peuvent convenir que c’est la bonne chose à faire et reconnaître la valeur de la vision; c’est la réponse de l’esprit rationnel. Toutefois, il arrive parfois à ce dernier de trop analyser, d’être figé par l’incertitude et de voir du danger et des problèmes partout. De son côté, l’esprit émotionnel panique parce qu’il adore le confort du statu quo et ne peut s’imaginer trouver le temps de changer et d’adopter de nouvelles habitudes et activités. Ces deux sources d’inconfort risquent de miner toute initiative de changement. Imaginez-vous maintenant tout un département de personnes programmées pour résister au changement. Il faudra un peu de planification stratégique et de persévérance pour faire tomber leur résistance.
Reconnaître et normaliser les creux
La voie vers une nouvelle façon de faire suit rarement une ligne droite. Le changement peut être compliqué. Il faut s’attendre à passer par un « creux », qu’on voit parfois comme une menace; cela peut être du stress, des bouleversements, de la fatigue, de l’inconfort et des revers. Le chemin du changement est souvent plus long qu’on ne le voudrait. Il est normal que cela crée des tensions à mesure que les gens s’adaptent et s’approprient le changement. Dès que vous entamez une initiative de changement et articulez une vision pour un nouvel avenir, vous créez une différence et, possiblement, de la tension, de l’inconfort et des conflits. À un moment ou un autre durant le processus de changement, vous devrez peut-être faire face à une nouvelle perspective, que ce soit de la part d’une seule personne ou de tout un groupe d’intervenants. Il est tout à fait normal de réagir à cette situation et de vivre un sentiment de perte pouvant ébranler votre image de soi. Il ne faut toutefois pas laisser cette embûche miner votre engagement et votre volonté de changement. Accrochez-vous à votre conviction que le changement est nécessaire, même si la façon d’y arriver peut différer en fonction des perspectives des autres. Lorsque vous menez un changement, vous devez être capable de naviguer dans l’inconfort et la vulnérabilité. Pour reprendre une citation de Brene Brown : « La vulnérabilité est le berceau de l’innovation, de la créativité et du changement8 ». L’idéal est de pouvoir la manifester dans un environnement sûr qui ne vous fait pas trop sortir de votre zone de confort. Si ni vous ni les parties prenantes ne ressentez de l’inconfort, c’est que vous n’opérez probablement pas de véritable changement. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on se penche sur des changements liés à l’EDIA. Reconnaître nos sentiments d’inconfort face à notre propre rôle concernant, par exemple, le racisme, la discrimination sexuelle et la transphobie, aide à nous concentrer sur les éléments qui auront le plus d’effets positifs. L’une de vos principales responsabilités en tant que leader du changement est de bâtir votre propre résilience et d’aider les autres à gérer le changement de manière durable, avec persévérance et dynamisme.
Tenir compte de la façon dont les gens abordent le changement
Comment peut-on alors vaincre l’inconfort et la résistance des parties prenantes pour aller de l’avant? Dans son ouvrage intitulé Diffusion of Innovation, Everett Rogers explique qu’une idée de changement ne sera pas acceptée par tous au début9, mais qu’elle le sera d’abord par un petit groupe d’innovateurs et de personnes déjà convaincues qui commenceront à petite échelle, adopteront de nouveaux comportements et rendront leurs progrès et leurs apprentissages visibles (figure 14.1). Robert Cialdini offre quant à lui des conseils plus pratiques dans son ouvrage Influence et manipulation : l’art de la persuasion, où il décrit six principes de l’influence10. Il montre que nous sommes tous influencés par ceux qui nous entourent. Avec le temps, le changement prend de l’ampleur, les personnes déjà convaincues font état de leurs progrès, puis d’autres emboîtent le pas pour ne pas perdre au change. Une fois qu’un nombre suffisant d’individus se seront ralliés à vous, votre processus de changement atteindra sa masse critique et l’innovation se maintiendra d’elle-même. Quelle que soit l’innovation, certaines personnes tarderont à s’y joindre; vous n’avez pas besoin que tout le monde adopte votre changement dès le début. Choisissez bien les personnes que vous recrutez en premier et concentrez votre énergie à l’atteinte de la masse critique d’adoption. Le reste de votre département suivra par après. Pour un résumé ludique du processus de changement en leadership, visionnez la vidéo Dancing Guy (en anglais seulement) de Derek Sivers11.
Faire participer les gens tout au long du processus de changement
Le changement est loin d’être un long fleuve tranquille; ça ressemble davantage à du rafting en rapides qu’à une promenade en gondole. Pendant la mise en œuvre d’un changement, on fait souvent deux pas en avant, un pas de côté, un pas en arrière… sans compter les erreurs, les obstacles, les risques, l’inconfort, les déceptions, les malentendus et la vulnérabilité auxquels on s’expose. Aucun changement n’est à l’abri de cette réalité. On dit souvent que le changement est quelque chose que l’on « met en œuvre ». On utilise des termes qui sous-entendent une idée de contrôle. On présume en quelque sorte qu’on peut gérer le changement, en pensant que les choses se dérouleront comme nous le souhaitons et quand nous le voulons. En fait, la plupart des changements ne sont pas mis en œuvre tout d’un coup, mais demandent plutôt des efforts variés pouvant évoluer au fil du temps.
Par exemple, quand La compétence par conception a été lancée au Canada, le Collège royal et les agents du changement, y compris les DP, ont compris que le vrai travail était de mobiliser les gens pour les préparer au changement et créer ensemble des solutions. Il suffit de peu de choses simples (mais pas nécessairement faciles) pour capter l’esprit et le cœur des gens intelligents. Tout se bouscule, surtout si vous souhaitez que le changement se produise selon votre ordre de priorités.
Ce qui importe au bout du compte, c’est de faire participer les gens pour déterminer la manière dont le changement opérera. Au cœur du changement, il y a l’idée que les gens s’approprient et appuient les projets auxquels ils participent. La meilleure façon de responsabiliser les gens est de les inviter à prendre part à un projet et à se prononcer sur la façon d’instaurer un changement. Cela peut être tout simple; par exemple, après avoir assisté à un atelier du Collège royal sur La compétence par conception, vous pourriez approcher votre équipe comme suit : « Tandis que nous mettons en œuvre La compétence par conception dans notre programme, il y a trois choses essentielles que nous devons réaliser pour répondre aux normes. Qui voudrait aider à les définir pour notre programme? » Invitez les gens à faire évoluer l’idée et donnez-leur l’espace nécessaire pour arriver à la solution qui convient le mieux à leur contexte.
Aider à définir les raisons du changement
Une partie essentielle de la conduite du changement est d’aider les autres à justifier par eux-mêmes le changement. Pour y arriver, adoptez une approche itérative vous permettant de définir et redéfinir des thèmes clés qui convaincront les gens et qui susciteront l’adhésion, un élan et une passion envers l’objectif commun. Des données et des messages accrocheurs sont nécessaires, mais ne sont pas suffisants. Vous devez aussi raconter des expériences qui suscitent une énergie émotionnelle et une autoréflexion critique, donner des exemples de pratiques fructueuses et de façons de surmonter les défis, renforcer la confiance de votre équipe en sa capacité à concrétiser le changement et motiver vos collègues à faire ce qu’ils peuvent en fonction de ce qui leur importe. Rien n’influence plus les gens que de constater les résultats de pairs estimés.
Au fur et à mesure que les personnes déjà convaincues du bien-fondé du changement dans votre programme progressent et tirent de précieuses leçons, rendez leurs réussites visibles. Rendez publiques les premières petites victoires vers le changement. C’est ce que Cialdini appelle la « preuve sociale10 ». Cette importante stratégie permettra à votre équipe de reproduire les réussites et suscitera un engouement croissant dans l’ensemble du programme. Personne ne veut être laissé pour compte et compromettre ses chances de réussite. Commentant sur l’expérience de la transition vers La compétence par conception, le Dr Rob Anderson, ancien DP en anesthésiologie à l’École de médecine du Nord de l’Ontario, a dit : « Nous vivions ensemble toutes les réussites. Nous essayions de les rattacher au programme et aux personnes impliquées. Aucune réalisation n’était trop petite pour être célébrée. Nous étions en train de créer un tout nouveau programme et je voulais que mon équipe soit emballée ». Le succès est contagieux. Tout le monde aime entendre parler de résultats positifs; ne manquez donc pas de célébrer les petits progrès tout au long de votre parcours. Cependant, il est important de trouver un équilibre et de célébrer humblement les réussites sans oublier de se rappeler le travail qu’il reste à accomplir. Par exemple, même si la mise en place d’un programme en santé des Autochtones pour les résidents constitue une réussite, il s’agit d’une seule étape dans un processus beaucoup plus vaste. En reconnaissant le travail qu’il reste à accomplir, on évite de simplement faire étalage de sa vertu, surtout quand on travaille sur des questions d’EDIA. Enfin, dans un esprit d’équité, voyez si vous pouvez souligner le travail d’un membre ou d’un leader de l’équipe personnellement touché par ces questions, dans la mesure où vous avez sa permission.
Passer à l’action
Définir les nouvelles responsabilités, mesures et habitudes qui créeront le changement
Au tout début de votre processus de changement, vous passerez beaucoup de temps à prendre des décisions sur la nature du changement et la façon dont il sera mis en œuvre. Au fur et à mesure que le changement évoluera, vous serez amené à définir des rôles, des comportements et des habitudes clairs. Ces derniers sont tout aussi importants pour la réussite du changement que les ressources, la structure et les systèmes de votre programme et votre stratégie. L’établissement de nouvelles façons de faire peut exiger un certain degré de pratique, d’apprentissage et d’adaptation. La culture d’une organisation se résume à une série d’habitudes. Amenez les gens de votre programme à se demander quel rôle ils ont à jouer dans ce changement. L’un de vos principaux rôles en tant que leader du changement est d’aider les personnes concernées à cerner et mettre en pratique de nouveaux comportements et à créer de nouvelles habitudes. C’est une tâche délicate qui prend du temps et demande des essais et erreurs.
Lorsqu’il s’agit de changer des comportements, moins on en fait, mieux c’est. Ne ciblez qu’un seul comportement à adopter ou à cesser à la fois. Essayez le nouveau comportement et tirez des leçons de ce qui arrive. Certains essais ne mèneront à rien, alors que d’autres auront des résultats positifs. Déterminez l’action que vous allez entreprendre et la façon dont vous allez évaluer les résultats. L’engagement envers de nouveaux comportements se développe avec le temps; il provient de l’expérience acquise et des leçons apprises.
En vous inspirant de la théorie de Rogers sur la diffusion de l’innovation9, commencez par un petit groupe de personnes prêtes, capables et motivées, et définissez des actions précises qu’il peut entreprendre. La raison peut être inspirée par la vision à long terme et suivre un plan d’action. Il ne faut toutefois pas s’attendre à ce que les gens changent à la simple évocation d’objectifs, de visions et de documents ambitieux; il faut collaborer avec eux pour cibler des activités quotidiennes et utiles. Le Dr Steven Katz donne l’exemple de La compétence par conception : il suffit de prendre deux ou trois minutes par jour avec votre résident ou résidente pour vous concentrer sur une chose qu’il ou elle pourrait améliorer12. Les grands changements proviennent de l’accumulation de nombreux petits changements faits de manière constante par plusieurs et qui, pris collectivement, créent un effet d’entraînement. La façon la plus simple de générer cet effet d’entraînement est de cibler les activités que les parties prenantes doivent faire chaque jour, mois, semaine et année, et les encourager à les mettre en pratique.
Communiquer sans attendre et souvent
Vous avez établi votre rôle de leader, défini le changement, bâti votre équipe, trouvé les personnes convaincues, aidé tout le monde à justifier pour eux-mêmes le changement et défini des rôles et comportements clairs; il faut maintenant vous rappeler de poursuivre la communication tout au long du processus de changement. On ne peut jamais trop communiquer. À vrai dire, de nombreux problèmes trouvent leur source dans la mauvaise communication. Demandez-vous quelle est la meilleure personne pour livrer chaque message. Comme nous l’avons vu plus tôt, les gens sont influencés par leurs pairs; il est donc crucial de mobiliser les ambassadeurs parmi les pairs, ceux qui sauront recruter et engager les autres en leur qualité de communicateurs et influenceurs de confiance. En plus de communiquer les plans et les détails du changement, vous devrez créer des occasions d’échanger en personne, notamment en offrant du coaching et du soutien tout au long du processus.
Accueillir le changement dans une optique de développement
Attendez-vous à essuyer des revers; ils font partie intégrante de tout processus de changement. Tout changement prend du temps et entraîne quelques erreurs. Montrez concrètement comment essuyer les revers et aidez les gens à se surpasser et à s’élever à la hauteur du défi. Pour ce faire, il faut aborder les obstacles avec curiosité, commencer lentement, faire des essais, tenir compte des commentaires, apprendre et s’ajuster. Le processus de changement est une courbe en U. Il faut d’abord avoir une vision convaincante dans l’espoir d’obtenir des résultats positifs. Dans l’intervalle, le changement, la croissance, l’apprentissage et l’adaptation viennent brouiller les pistes. La mise en œuvre d’un changement complexe peut comporter de nombreux obstacles susceptibles de compromettre l’engagement des membres de votre équipe et de leur faire oublier l’objectif commun d’améliorer la formation médicale. Garder un état d’esprit favorable au changement peut vous aider à surmonter les difficultés et à naviguer en eaux troubles. Cultivez l’esprit du débutant – un état d’esprit libéré de toute idée préconçue quant au fonctionnement des choses, plein de curiosité et ouvert aux possibilités – et lancez‑vous dans la phase d’expérimentation. Apporter un changement à un système humain aussi complexe que la formation médicale pose un défi d’adaptation. Autrement dit, votre première « mouture » ne sera probablement pas la meilleure. Soyez donc prêts à laisser tomber rapidement ce qui ne fonctionne pas bien. Faites preuve de curiosité et prenez le temps de cerner ce qui s’avère profitable. Évidemment, après de multiples révisions, la version finale ne ressemblera probablement pas du tout à ce que vous aviez prévu, car vous l’aurez adaptée au fur et à mesure aux contextes qui vous sont propres. Le plus important, c’est de faire un pas dans la bonne direction.
Conseils
- Mettez en commun des outils et partagez votre expérience.
- Créez des conditions favorables pour tous.
- Visez la progression, pas la perfection. Faites en sorte que tous puissent voir que les choses avancent. Célébrez les petites victoires en cours de route.
- Apprenez les uns des autres et exploitez les occasions d’apprentissage au sein du groupe.
- Intervenez rapidement pour lever les obstacles et surmonter la résistance des gens en écoutant leurs préoccupations et en collaborant à la création de solutions communes.
- Enfin, n’oubliez pas de vous amuser!
Conclusion
Ne cherchez pas à atteindre la perfection. Lancez-vous. En tant que PD, vous serez inévitablement appelé à apporter des changements. La mise en œuvre d’un changement exige du temps, de la réflexion et une approche stratégique. Commencez par ceux qui sont déjà convaincus du bien-fondé de cette initiative et qui prendront le temps de se renseigner, le risque d’en faire l’essai et l’occasion d’en parler à leurs pairs et de la modéliser. Allégez le processus en vous concentrant sur les éléments qui auront la plus grande incidence. Faites participer les autres pour créer de nouveaux comportements et établir de nouveaux rôles et de nouvelles habitudes. Rappelez-vous que les habitudes sont à la base du changement de comportement et que tout changement est comportemental.
Autres ressources
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- Herrero L. Viral change. United Kingdom: Meetingminds Publishing; 2008.
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- Ryan RM, Deci EL. Self-determination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development and well-being. Am Psychol. 2000;55:68–78. http://psycnet.apa.org/record/2000-13324-007
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- In over our heads & Immunity to Change by Robert Kegan
- Switch by Dan Heath (short videos)
- ACE the steps to change https://www.processexcellencenetwork.com/tools-technologies/articles/ace-the-steps-to-change
Références
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