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Par: Lara Cooke, MD, MSc, FRCPC


Objectifs

Après avoir lu ce chapitre, vous serez en mesure :

  • de définir le milieu d’apprentissage et d’expliquer pourquoi il faut prioriser un milieu d’apprentissage « sécuritaire »
  • de prendre rapidement les mesures requises si vous décelez des problèmes dans le milieu d’apprentissage
  • d’appliquer des stratégies précises pour créer un milieu sécuritaire
  • de décrire les ressources nécessaires à la création d’un milieu sécuritaire

Scénario

Par : Kannin Osei-Tutu, MD, MSc, CCFP

La Dre S, R3 en chirurgie générale, vous apprend qu’elle ne bénéficie pas d’un accès équitable aux cas du bloc opératoire, comparativement aux autres résidents juniors. En approfondissant la question, vous découvrez qu’on lui a refusé l’accès à la salle d’opération et attribué des tâches hospitalières et des consultations au service d’urgence au cours des deux dernières semaines. Vous voulez en connaître la raison : elle vous répond que le chirurgien traitant a exprimé des préoccupations au sujet de son « hygiène » et lui a dit que le port de son « foulard » dans le bloc opératoire n’était pas approprié. De religion musulmane, la résidente porte un hidjab et précise que le résident senior lui a signalé une « augmentation des infections postopératoires » depuis qu’elle est affectée au service et croit que le chirurgien traitant tente de « protéger ses patients ».

Comment réagiriez-vous? En tant que directeur ou directrice de programme, que pouvez-vous faire?

  • Pour aider la résidente junior, le résident senior et le chirurgien traitant?
  • Pour éviter que cette situation se reproduise?

1. Définissez ce qui s’est passé

Le chirurgien traitant a fait preuve de discrimination (fondée sur la religion) et de racisme envers une résidente. La discrimination est le refus de reconnaître les droits, les libertés civiles et les possibilités d’une personne ou d’un groupe en ce qui a trait à l’éducation, au logement, aux soins de santé, à l’emploi et à l’accès aux services, aux produits et aux installations. Il s’agit aussi d’un exemple 1) de racisme fondé sur la religion et l’origine ethnique, dans le cas présent, l’islamophobie, et 2) de stéréotype racial. La résidente a été pointée du doigt en raison du signe religieux qu’elle porte (hidjab) et d’un prétendu manque d’hygiène. De plus, elle a été affectée de façon punitive à des tâches cliniques moins intéressantes. Ces actes sont inacceptables.

Le résident senior a fait preuve de racisme envers la résidente en la blâmant d’être à l’origine d’un incident (augmentation des infections postopératoires), et il a commis une microagression raciale en laissant entendre que l’hygiène de la Dre S représente un danger pour les patients. Une microagression raciale est une action ou parole subtile mais blessante ou offensante à l’endroit d’une personne racisée dans le cadre de ses interactions quotidiennes. Les commentaires du résident senior peuvent être considérés comme racistes dans la mesure où il a dénigré et ridiculisé la Dre S en raison du port d’un signe religieux. Ce comportement est également inacceptable.

2. Déterminez le résultat souhaité : Assurer la sécurité de la résidente et veiller à ce qu’elle reçoive une formation complète.

  • Pour qu’un milieu d’apprentissage soit sécuritaire, il doit être exempt de racisme, de discrimination, de harcèlement et d’intimidation. Ces comportements ne doivent pas être tolérés.

 Préparez un plan d’action :

  • Cet incident est déplorable et doit être signalé immédiatement au vice-doyen aux études médicales postdoctorales, qui pourra faire intervenir le chef de la section.
  • Prenez connaissance des politiques et des procédures de votre institution en matière de racisme, de discrimination, de harcèlement et de mauvais traitement. Si aucune politique n’est établie, envisagez de déterminer pourquoi.
  • Prenez connaissance des politiques et des procédures de votre institution sur les couvre‑chefs jugés acceptables dans la salle d’opération.  Si aucune politique n’est établie, envisagez de déterminer pourquoi.
  • Vérifiez ce qui est arrivé.
  • Croyez la résidente et validez ce qu’elle a relaté. Adoptez une approche tenant compte des traumatismes.
  • Demandez-lui ce qu’elle est prête à divulguer et à qui.
  • Soyez conscient ou consciente que la résidente peut hésiter à signaler l’incident en raison du rapport d’inégalité dont elle a hérité, de la crainte de représailles et d’être de nouveau traumatisée.
  • Encouragez-la à être accompagnée d’une personne de soutien ayant vécu de la discrimination.
  • Faites savoir clairement à toutes les parties que les comportements sont inacceptables et qu’ils ne seront pas tolérés.

Mesures immédiates qui peuvent être prises avec le soutien du vice-doyen aux études médicales postdoctorales :

  1. Retirez la résidente du milieu d’apprentissage
  2. Assurez la résidente qu’elle ne fera pas l’objet de représailles
  3. Retirez le résident senior et le chirurgien traitant du milieu d’apprentissage et/ou suspendez leurs privilèges d’enseignement en attendant le résultat d’un processus informel ou formel de résolution.
  4. POINT IMPORTANT : La résidente doit être informée qu’il s’agit d’un motif de discrimination interdit aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne.  Elle doit savoir aussi qu’elle peut examiner des options de résolution avec la Commission des droits de la personne (CDP), en plus des structures de résolution actuelles du bureau des études médicales postdoctorales et de l’ensemble de l’institution.

Solutions à long terme :

  • Sanctions/conséquences appropriées (résident senior et chirurgien traitant) en attendant le résultat du processus de résolution.
  • Sensibilisation
    • Humilité culturelle, formation sur la lutte contre l’islamophobie, la lutte contre le racisme et l’intersectionnalité (résident senior et chirurgien traitant)
  • Formation
    • Intervention des témoins (résident senior)
    • Biais implicites (résident senior et chirurgien traitant)
  • Soutien approprié à la culture en matière de bien-être (Dre S)

Introduction

L’environnement dans lequel nous apprenons influence nos comportements acquis. Ce concept est perpétué par les psychologues cognitifs et les théoriciens de l’éducation1,2. Bien que le débat se poursuive sur les facteurs qui favorisent l’apprentissage et ceux qui peuvent l’entraver, il est tout à fait clair que le milieu joue un rôle important dans la détermination de l’apprentissage.

Dans l’enseignement en résidence, les médecins juniors sont généralement plongés dans des milieux très intenses et chaotiques pendant plusieurs années de formation, dans ce qui s’apparente traditionnellement à un apprentissage. Toutefois, avec l’avènement de la formation médicale axée sur les compétences, la résidence s’éloigne de l’idée de « plonger » dans un milieu médical pendant une période déterminée pour qu’il y « évolue comme un poisson dans l’eau » (lire avec « compétence »)4. Au lieu de cela, le paradigme évolutif de la résidence est axé sur la création d’une expérience adaptée aux besoins de l’apprenant dans un milieu d’apprentissage authentique. L’apprenant a ainsi accès à des expériences pertinentes qui sont complétées par des observations directes fréquentes et par de la rétroaction à l’appui à la progression graduelle de la compétence5.

Bien que l’objectif de la rétroaction régulière et à faible incidence soit d’améliorer l’apprentissage et la capacité des enseignants de mesurer la progression des résidents dans le continuum de la compétence au cours de la formation, certains suggèrent que la rétroaction donnée n’est pas toujours intégrée par l’apprenant6. Est-il possible que l’apprentissage soit entravé par des facteurs présents dans le milieu d’apprentissage? Tout indique que cela peut être le cas1,7,8. L’état du milieu d’apprentissage dans lequel vos résidents se forment peut et devrait être quelque chose que vous, à titre de directeur ou directrice de programme, évaluez régulièrement. Dans le présent chapitre, vous découvrirez ce qui constitue un milieu d’apprentissage, et pourquoi il doit être sécuritaire. Vous y trouverez également des conseils et instruments utiles qui vous aideront à créer un milieu pédagogique efficace pour les résidents.

Qu’est-ce qu’un milieu d’apprentissage?

La définition du milieu d’apprentissage est une condition préalable importante à l’établissement d’un milieu sécuritaire. Nous pouvons à cette fin puiser dans la littérature couvrant la formation médicale de premier cycle. Genn et ses collègues définissent ainsi le milieu pédagogique comme étant ces activités, « éducatives et organisationnelles, qui englobent tout ce qui se passe » à la faculté de médecine9. Ces auteurs utilisent le terme « milieu » de manière interchangeable avec « programme d’études » et notent que les deux englobent « toutes les interactions » à la faculté de médecine. Cela comprend non seulement les interactions directes avec l’apprenant, mais aussi d’autres interactions observées et les aspects structurels, systémiques et culturels du contexte d’apprentissage9.

Une façon de décomposer cette notion en éléments gérables consiste à considérer individuellement les « parties » du milieu, tout en reconnaissant leur potentiel d’interaction. Aux fins du présent chapitre, nous examinerons la situation de l’enseignant, la relation entre l’enseignant et l’apprenant, la culture, ainsi que les mesures de soutien structurel.

Pourquoi un milieu d’apprentissage « sécuritaire » est-il important?

Il existe de nombreuses raisons de s’assurer que les résidents sont formés dans un milieu d’apprentissage sécuritaire. Pour n’en citer que quelques-uns, mentionnons les exigences en matière d’agrément, de lois du travail et de codes des droits de la personne; l’objectif d’arrimer avec succès les meilleurs résidents à votre programme de résidence et, surtout, l’amélioration des résultats pour les patients. Une autre raison importante est l’impact sur les résidents eux-mêmes. Une façon simple d’examiner cette question consiste à envisager les répercussions de la formation médicale lorsque le milieu d’apprentissage est moins « sain » pour cause d’intimidation, de racisme, de sexisme ou de harcèlement.

La littérature montre clairement que les médecins connaissent des taux d’épuisement plus élevés que tout autre professionnel et que les taux de dépression et de troubles de la consommation d’alcool et d’autres drogues en médecine sont disproportionnellement élevés. Les résidents subissent des niveaux élevés de mauvais traitements, de discrimination, de racisme et de harcèlement au cours de leur formation, ce qui se traduit par des issues défavorables : taux élevés de suicide, d’idées suicidaires, d’insatisfaction et d’épuisement professionnels, pour n’en nommer que quelques-unes10,11. L’une de vos priorités est de veiller à ce que les résidents aillent bien et à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que le milieu dans lequel ils travaillent favorise leur bien-être, dans la mesure du possible. Il est inutile et tragique de voir des résidents échouer, tomber malades ou quitter les programmes parce qu’ils ne sont pas suffisamment soutenus dans leur milieu d’apprentissage.

À titre de directeur ou directrice de programme, que pouvez-vous faire?

Reconnaître les signaux d’alerte dans le milieu d’apprentissage et agir

Il peut y avoir des signes évidents que votre milieu d’apprentissage est problématique, mais ce ne sera pas toujours le cas. Dans le cadre de votre rôle, il est important de vous assurer que les résidents se sentent à l’aise de vous rencontrer pour vous faire part de leurs préoccupations, mais aussi de chercher des indices dans les évaluations des enseignants et les comportements des résidents pouvant suggérer que les choses ne tournent pas rond. Peu importe à quel point vous êtes « facile d’approche », rappelez-vous qu’il existe un véritable déséquilibre de pouvoir entre les résidents et vous. Cela signifie que vous ne pouvez pas supposer qu’ils se tourneront toujours vers vous quand il y a un problème.

Les indices de problèmes dans le milieu d’apprentissage peuvent provenir de diverses sources, qui sont décrites plus en détail dans les sections suivantes du présent chapitre. Cependant, il est particulièrement important d’être à l’affût des signes d’épuisement des résidents (manque d’empathie, d’attention ou d’engagement dans le programme, avec les pairs ou les patients; demande de congés ou de transferts hors du programme) ou de noter l’évitement de certains enseignants ou de certaines expériences cliniques (tendance à attribuer des notes plus basses que d’habitude dans les évaluations des enseignants, résidents qui ne demandent jamais certains précepteurs, ou qui demandent de changer de semaines ou de quarts de travail pour travailler avec différents précepteurs, tendance à demander de faire des stages cliniques dans d’autres sites ou établissements).

L’importance de creuser lorsque vous recevez des plaintes concernant des précepteurs

Si vous êtes depuis peu à la tête du programme, vous pourriez être enclins à réagir immédiatement aux préoccupations des résidents au sujet du comportement d’un enseignant ou d’une enseignante. S’il y a plainte au sujet de comportements inacceptables, comme le harcèlement sexuel, le racisme ou la sécurité des patients, c’est sans aucun doute la mesure la plus appropriée. Vous devriez commencer par communiquer immédiatement avec votre bureau d’études médicales postdoctorales afin de vous assurer de respecter les politiques appropriées pour faire face à des problèmes graves. Assurez-vous de documenter les préoccupations en détail, et par écrit. Ne tardez pas à suivre les directives de la politique locale et demandez de l’aide auprès du directeur ou de la directrice de département, si nécessaire.

Heureusement, la plupart des conflits entre enseignants et apprenants ne découlent pas de comportements inacceptables. Ils sont souvent plus nuancés que ce que quelques lignes sur une évaluation d’enseignant peuvent révéler. Si vous recevez une évaluation préoccupante concernant un enseignant ou une enseignante, il est essentiel de rencontrer le résident ou la résidente en personne pour l’inviter à expliquer les détails et le contexte de l’expérience. Si d’autres personnes peuvent également être présentes, il pourrait être utile d’obtenir également leur point de vue, s’il y a lieu. Documentez les préoccupations.

Il est tout aussi important d’avoir une conversation avec le précepteur en question. Vous devrez concilier la nécessité de respecter l’anonymat du résident ou de la résidente et celle d’explorer la situation avec le précepteur pour obtenir son point de vue. Ce processus doit comprendre une discussion transparente avec le résident ou la résidente afin de s’assurer qu’il ou elle comprend que, selon le problème en cause, il ou elle ne pourra peut-être pas demeurer anonyme si l’on veut faire part de sa rétroaction au précepteur. Si le problème n’est pas trop grave, le résident ou la résidente peut préférer attendre jusqu’à ce que des commentaires supplémentaires corroborant ses préoccupations soient recueillis auprès d’autres personnes au fil du temps, dans le but de maintenir son anonymat. Quoi qu’il en soit, une série de plaintes à l’égard d’un précepteur individuel exigera que vous fassiez une rétroaction auprès de lui dans le but d’aborder les problèmes (par exemple, le précepteur va-t-il bien?) et que vous dressiez un plan pour l’aider à apporter des améliorations s’il y a lieu. Si vous êtes un peu plus jeune dans votre département, et que le précepteur est plus âgé que vous, vous pouvez demander de l’aide auprès du directeur ou de la directrice de département ou d’un autre enseignant principal du groupe pour vous aider dans la discussion.

Influencer la culture

Le dictionnaire Merriam-Webster décrit la culture d’une organisation comme « l’ensemble des attitudes, des valeurs, des pratiques et des objectifs communs qui caractérisent une institution ou une organisation12. » Dans les affaires et en médecine, on a déterminé divers facteurs qui contribuent à une culture axée sur l’apprentissage. Il s’agit notamment de l’ouverture, de l’esprit d’enquête, de la coopération, de l’empathie, de l’autoréflexion et de la pensée systémique13.

La façon dont la formation est évaluée au sein de votre établissement d’enseignement jouera probablement un rôle dans la définition de la valeur et de la priorité de votre programme de résidence au sein de votre département. Même s’il est impossible de changer la culture en solitaire, vous pouvez utiliser des approches pratiques pour vous assurer que votre programme reste « sur le radar » de votre département et que vos résidents sont des membres appréciés de l’équipe dans le contexte dans lequel ils se forment et travaillent.

Vous êtes responsable non seulement de votre programme de résidence, mais aussi d’un ensemble de jeunes médecins intelligents qui apporteront beaucoup de valeur à votre groupe. En échange de l’enseignement qu’ils dispensent, les membres de votre groupe ont la possibilité d’apprendre des résidents (ce qui aide souvent les médecins à se tenir à jour) et de bénéficier du service offert par les résidents. En fait, dans de nombreux programmes, le service des résidents est une composante essentielle de la prestation globale de services du département et serait grandement regretté si l’on y mettait fin.

Compte tenu de ces éléments, chaque directeur ou directrice de programme devrait avoir un siège aux principales tables de direction de son département. En ce qui concerne votre rôle, il est important de confirmer auprès de la direction du département que vous disposez de l’appui indéfectible nécessaire pour prendre les décisions concernant le programme de résidence. Cela signifie que lorsque vos médecins auront besoin de participer à une formation sur la façon d’évaluer les activités professionnelles confiables, de donner des commentaires ou de poser des questions efficacement, la direction vous aidera à les mobiliser. Vous devrez peut-être encourager la direction de votre département à préciser que la formation en résidence est une priorité dans votre groupe, que l’enseignement est pris au sérieux, tout comme les évaluations de l’enseignement. Ce message influencera la culture de votre département s’il vient du sommet et contribuera à faire en sorte que les résidents se sentent intégrés à l’équipe et soutenus par les médecins traitants14.

Le soutien des directeurs locaux est essentiel lorsque certains problèmes courants surviennent dans les départements, comme :

  • trouver un équilibre entre les besoins en services et les besoins pédagogiques;
  • gérer les pénuries de résidents;
  • obtenir l’adhésion des médecins traitants du corps professoral aux innovations en matière d’éducation, comme la formation médicale axée sur les compétences;
  • trouver des médecins pour aider à la préparation de l’agrément, à la sélection des résidents, à l’élaboration de plans de remédiation et d’apprentissage, et à l’évaluation des résidents.

Avec une voix à la table de la direction de votre département et l’appui de votre directeur ou directrice, vous serez plus en mesure de minimiser la culture du « nous contre eux » lorsque des problèmes surgiront au sujet de l’équilibre entre le service de garde et l’éducation. Cela réduira en retour le ressentiment entre les médecins traitants et les apprenants, et évitera la propagation de bavardages irrespectueux contribuant à l’épuisement et aux problèmes de santé.

Établir des relations solides entre enseignants et apprenants

Selon Bandura, le modèle est un élément clé de la constellation des influences sociales sur l’apprentissage. Les modèles sont des personnes dont l’apprenant ou l’apprenante tire de nouvelles connaissances, compétences et attitudes à la fois positives et négatives1. Dans le contexte de l’enseignement en résidence, il peut s’agir de médecins traitants, de résidents séniors, de professionnels paramédicaux, d’infirmières ou de quasi-pairs.

Dans les études médicales postdoctorales, la relation entre les enseignants et les apprenants est essentielle pour influencer le comportement des résidents. On a laissé entendre qu’il pourrait se former une alliance pédagogique entre les deux, semblable à l’alliance thérapeutique décrite dans les ouvrages de psychologie. Telio et ses collègues décrivent l’alliance pédagogique comme étant déterminée par la perception de l’apprenant ou de l’apprenante. L’alliance se crée lorsque les apprenants croient que les enseignants entretiennent des relations positives avec eux, qu’ils s’intéressent à leur apprentissage, qu’ils sont cliniquement compétents et qu’ils fournissent une rétroaction crédible parce qu’ils ont observé leur rendement8.

Lorsque les relations entre les enseignants et les apprenants sont saines, le rendement de ces derniers est amélioré et le taux d’épuisement est réduit10,15. Comment faire pour établir de solides relations entre les deux dans un programme? Premièrement, assurez-vous que c’est une priorité dans votre propre enseignement. À titre de directeur ou directrice de programme, vous aurez probablement plus de temps en face à face avec les résidents que n’importe qui d’autre dans votre département. Démontrez votre intérêt pour vos résidents en apprenant à les connaître. Précisez clairement que vous êtes là pour appuyer leur apprentissage et répondre à leurs besoins tout au long de leur formation, et entretenez une politique de porte ouverte pour les aider lorsqu’ils ont des questions, des préoccupations ou des défis. Par ailleurs, il sera important de vérifier régulièrement le sentiment d’appartenance de certains apprenants racisés et d’autres groupes qui ont droit à un traitement équitable, et de les interroger directement au sujet d’expériences de discrimination dans le milieu d’apprentissage. La mise en commun d’expériences communes peut également resserrer les liens entre les résidents et les enseignants. Ensuite, avec l’appui de la direction de votre département, assurez-vous qu’il y a des récompenses à la clé pour les meilleurs enseignants, que tous les membres du département ont l’occasion d’améliorer leurs compétences en matière d’enseignement et qu’il existe un processus clair pour aider les enseignants qui éprouvent des difficultés. La plupart des établissements ont des bureaux de perfectionnement du corps professoral qui élaborent et offrent des ateliers de formation. Chaque établissement devrait avoir des politiques sur la meilleure façon de gérer les enseignants en difficulté. Lorsqu’un enseignant ou une enseignante éprouve des difficultés, offrez-lui de l’aide et assurez-vous qu’il ou elle profite des possibilités de perfectionnement offert au corps professoral. Vous pourriez avoir besoin du directeur ou de la directrice du département pour vous assurer que cela se traduise dans les faits.

Soutenez vos enseignants

La qualité du milieu éducatif joue un rôle clé dans la perception que les apprenants ont de ce milieu14,16. Les résidents accordent une note élevée aux milieux d’apprentissage lorsqu’ils estiment que leurs enseignants ont d’excellentes compétences en mentorat, fournissent des commentaires opportuns et équilibrés, sont accessibles au besoin, assignent des tâches appropriées au niveau de formation et expriment des attentes claires14. Votre rôle est d’aider vos professeurs à être les meilleurs enseignants et mentors possibles. Pour ce faire, vous pouvez leur offrir le perfectionnement qui convient en ce qui concerne les compétences en enseignement, leur faire des commentaires, leur fournir un encadrement et établir des attentes. Vous pouvez aussi offrir des activités de perfectionnement du corps professoral et de formation sur des sujets comme la lutte contre le racisme et l’humilité culturelle.

Révision et mise à jour des mesures de soutien du système

Enfin, examinez les structures en place pour les résidents. Plusieurs facteurs structurels peuvent améliorer leur milieu d’apprentissage. Nombre de ces structures sont inscrites dans les normes d’agrément (p. ex., des salles de garde adéquates). Des facteurs structurels peuvent contribuer aux préjudices subis par les résidents et il est important d’en être conscients. L’absence de politiques exhaustives et explicites de politiques de lutte contre le racisme, et de mécanismes sécuritaires et efficaces de signalement de préjudices liés à la race sont des exemples de facteurs structurels qui contribuent au mal-être des résidents. Plusieurs initiatives peuvent cependant améliorer le milieu d’apprentissage des résidents.

Il existe des instruments publiés pour mesurer le milieu d’apprentissage en milieu hospitalier et ambulatoire14,16. Envisagez de les passer en revue afin d’évaluer le milieu d’apprentissage de vos résidents. Les éléments structurels à prendre en considération comprennent l’établissement d’objectifs d’apprentissage; l’attribution de temps suffisant pour évaluer les patients; la garantie d’un temps suffisant pour manger et dormir; ainsi que l’accès aux ordinateurs, aux ressources de bibliothèque et à un endroit pour ranger les effets personnels16. Les résidents devraient avoir des heures de travail qui reflètent leurs fonctions contractuelles, des heures d’apprentissage structurées ou protégées et des documents d’orientation pour les nouveaux stages. Enfin, ils doivent se sentir physiquement en sécurité dans leur milieu de travail14.

En résumé, le milieu d’apprentissage comporte de multiples facettes et chacune peut favoriser ou entraver l’apprentissage. À titre de directeur ou directrice de programme, vous jouerez un rôle clé dans l’établissement du ton, l’influence sur la culture et l’encadrement des résidents et des enseignants de votre établissement. Votre engagement personnel en faveur du bien-être et de la formation des résidents contribuera grandement à l’expérience de ces derniers et constituera un modèle pour les autres enseignants de votre groupe. L’attention particulière que vous porterez au bien-être de vos résidents sera primordiale pour s’assurer qu’ils réussissent leur formation et terminent leur résidence bien préparés pour exercer de façon autonome.

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