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Par: Steven Katz, MD, FRCPC


Objectifs

Après avoir lu ce chapitre, vous serez en mesure :

  • d’énumérer les difficultés courantes associées aux programmes de résidence d’envergure et de proposer des solutions;
  • de décrire au moins cinq ingrédients clés pouvant favoriser la réussite d’un programme d’envergure;
  • de décrire les possibilités offertes par ces programmes.

Introduction

Devenir directeur ou directrice de programme (DP) est souvent intimidant : il y a tellement de choses à apprendre et tant de gens qui comptent sur vous. C’est une réalité pour l’ensemble des DP, que vous soyez à la tête d’un programme de grande ou de petite taille. En lisant ce chapitre, vous comprendrez sans doute très rapidement que la plupart des enjeux abordés ne sont pas uniques aux gros programmes de résidence. En fait, la plupart s’appliquent probablement à tous les programmes, quelle que soit leur taille, et c’est également le cas d’une large part des conseils donnés dans ce chapitre.

Ce qui est propre aux gros programmes, c’est la rapidité avec laquelle les choses peuvent se détériorer si les difficultés ne sont pas aplanies. Pour cette raison, ce chapitre porte autant sur la compréhension des problèmes que sur la recherche de solutions. Bien sûr, il serait merveilleux de disposer de données probantes pour bien comprendre ces défis, mais ce n’est malheureusement pas un sujet qui a fait l’objet de beaucoup de recherches à ce jour.

Les divers sujets abordés dans ce chapitre tournent à peu près tous autour des politiques et des processus. Si vous dirigez un vaste programme, il est impératif d’être cohérent et de veiller à ce que toutes les parties prenantes à votre programme soient au courant des façons de faire. En mettant en place des politiques et des procédures, vous fournirez une feuille de route claire à toutes les personnes concernées. Ainsi, elles sauront ce qu’on attend d’elles, seront conscientes de leurs responsabilités et sauront comment elles doivent atteindre leurs objectifs.

Voici quelques exemples comparant des situations similaires dans le cadre d’un gros programme et d’un programme de plus petite taille :

Exemple 1

Petit programme : Le Dr Jones est un résident de quatrième année en endocrinologie. Il travaille au service de consultation avec le Dr Smith. Il demande à ce dernier de prendre deux jours de congé pour assister au mariage de son frère. Le Dr Smith est d’accord, mais il ne pense pas que quelqu’un d’autre pourrait devoir être avisé. Le Dr Smith vous voit plus tard au bureau et vous mentionne la demande du Dr Jones. Vous êtes d’accord avec cette absence, mais vous vous assurez qu’elle est consignée au bon endroit.

Gros programme : Le Dr Jones est un résident de quatrième année en pédiatrie. Il fait partie de l’unité d’enseignement clinique avec le Dr Smith à l’hôpital d’enseignement communautaire. Il demande à ce dernier de prendre deux jours de congé pour assister au mariage de son frère. Comme vous travaillez dans un autre hôpital, vous ne voyez pas le Dr Smith régulièrement et, par conséquent, vous n’apprenez pas l’absence du Dr Jones. L’absence n’est pas correctement consignée. Le Dr Jones prend deux jours supplémentaires plus tard dans l’année. Les autres résidents du programme entendent parler de ces jours de congé supplémentaires et se sentent lésés. Ils commencent à se permettre ce genre d’entorse aux règles sur les congés, et vous n’en savez rien.

Exemple 2

Petit programme : Le Dr Toms est un cardiologue sénior et il travaille sur les étages. Les résidents, quatre au total, sont préoccupés du fait que le Dr Toms ne leur enseigne pas suffisamment et s’absente souvent de l’unité de soins pendant de longues périodes. Quand vous voyez les résidents à leur demi-journée universitaire, ils vous en font part, et vous donnez immédiatement suite à leurs préoccupations.

Gros programme : Le Dr Toms est un cardiologue sénior et il travaille sur les étages. Les résidents, 50 au total, sont préoccupés du fait que le Dr Toms ne leur enseigne pas suffisamment et s’absente souvent de l’unité de soins pendant de longues périodes. Quand vous voyez les résidents à leur demi-journée universitaire, ils ne se sentent pas à l’aise de vous en faire part en présence d’un groupe aussi important, alors ils gardent le silence. Vous finissez par prendre connaissance des rapports annuels d’enseignement du Dr Toms à la fin d’un cycle de deux ans et vous faites un constat troublant.

Alors, qu’est-ce qui a mal tourné dans ces exemples? En fait, ce qui s’est passé dans les petits programmes n’était pas mieux que ce qui est arrivé au sein du gros programme, mais il est plus facile de prévenir les erreurs dans les petits programmes du simple fait de leur taille réduite. Dans le contexte d’un vaste programme, il est beaucoup plus important d’avoir une infrastructure en place pour éviter ce genre de situations et d’autres.

Jeter les bases appropriées d’un programme d’envergure

Étant responsable d’un gros programme, j’en suis venu à la conclusion que cinq ingrédients clés contribuent au succès d’un programme : de bonnes communications, des relations de confiance, des politiques et procédures claires, de la compassion et de l’innovation. En général, si vous vous occupez de ces cinq aspects dans le cadre d’un programme d’envergure, vous aurez du succès.

1. La communication, sous toutes ses facettes, est essentielle à votre succès si vous dirigez un gros programme. Il ne suffit pas d’espérer que vous verrez régulièrement vos résidents, votre personnel enseignant et vos employés du soutien administratif pour transmettre vos idées, vos plans et vos préoccupations et entendre les leurs. Ces interactions doivent être délibérées et planifiées de votre part, que ceux qui vous entourent en soient conscients ou non. Il est très facile de perdre la notion du temps quand vous vous enfermez dans votre bureau pour accomplir les innombrables tâches administratives qui vous incombent en tant que DP. Toutefois, il ne faut pas négliger d’accorder du temps à tous ceux qui participent à la bonne marche du programme. La plupart des DP auront intérêt à organiser des rencontres individuelles régulières avec leurs résidents. Ils pourront ainsi suivre leur progression, mais aussi avoir des entretiens constructifs avec chacun d’eux au sujet de leurs progrès et de ce qu’ils vivent. C’est également un bon moment pour discuter de la meilleure façon de poursuivre leur cheminement. Vous pouvez aussi mettre des périodes à l’horaire afin de rencontrer les résidents en grand groupe ou par cohortes de formation, d’aborder des sujets et des enjeux généraux et de répondre aux questions. De même, vous pouvez prévoir des moments pour rencontrer des groupes d’enseignants, en particulier ceux que vous ne voyez pas souvent au quotidien parce qu’ils travaillent dans un autre secteur de l’hôpital, dans un autre établissement ou dans une autre ville. En planifiant ces occasions de communication, vous pourrez faire part de vos impressions sur le programme – les succès obtenus autant que les difficultés rencontrées – et vous assurer d’être sur la même longueur d’onde que les résidents et le personnel enseignant. De telles discussions pourraient même vous inspirer à introduire des innovations dans votre programme. Quoi qu’il en soit, elles montreront certainement à toutes les parties prenantes que vous êtes un leader solide, qu’elles comptent pour vous et que vous les écoutez.

2. Une telle façon de faire inspire confiance. La communication est une étape importante pour installer un climat de confiance. Il est essentiel de faire confiance aux leaders pédagogiques qui vous entourent afin d’assurer votre réussite et celle du programme. En tant que DP d’un gros programme, il vous sera presque impossible de tout faire. Vous devez être à l’aise de déléguer la responsabilité de certaines activités aux membres de votre équipe de médecins et d’administrateurs. Cette équipe peut avoir une appellation différente d’un établissement à l’autre. Vous pourriez nommer un ou plusieurs adjoints pour diriger des secteurs précis de votre programme. Peut-être que des membres fiables de votre comité du programme de résidence pourraient se charger de certaines activités. Avec La compétence par conception, avoir un président du comité de compétence solide et motivé peut faire une grande différence pour vous et votre programme1. Si votre programme est étalé sur plusieurs sites, il pourrait s’avérer très utile de nommer un chef pour chaque site. Afin que ces chefs s’acquittent efficacement de leur rôle, vous devez les laisser travailler et ne pas trop faire de microgestion. Accordez suffisamment d’autonomie aux autres membres de votre équipe et faites-leur confiance. Vous insufflerez une culture où les médecins et le personnel de soutien sont motivés et veulent contribuer de leur mieux à votre programme. Tant que les canaux de communication resteront ouverts, vous demeurerez au fait du travail qu’ils accomplissent et serez en mesure de les épauler de manière à mettre tout le monde à l’aise et à contribuer à leur réussite. Le même principe s’applique à vos résidents. De nombreux résidents sont fiers de leur programme de résidence, éprouvent un sentiment d’appartenance et sont disposés à apporter des changements. Confiez des projets appropriés à vos résidents, vous leur permettrez de faire partie intégrante d’une équipe productive. D’ailleurs, il est particulièrement essentiel d’assigner des tâches administratives à vos résidents chefs afin de développer davantage ce niveau d’engagement. Toutefois, ne limitez pas les possibilités de leadership à vos chefs; de nombreux résidents ont des forces et des talents qui peuvent être mis à contribution de diverses façons au sein de votre programme.

3. La communication et la confiance contribuent grandement à la mise en place de politiques et procédures appropriées pour votre programme et à ce que le plus grand nombre possible de parties prenantes les connaissent. On n’accorde pas beaucoup d’attention aux politiques et aux procédures lorsque les choses vont bien. Or, elles deviennent beaucoup plus importantes en cas de problème, surtout lorsqu’un résident ou un membre du personnel est concerné. Dans le contexte d’un gros programme, il est essentiel de respecter les politiques et les procédures quand cela survient, car celles-ci garantissent que chacun est traité équitablement, tant dans la situation actuelle que lorsque des situations similaires se présenteront ultérieurement.

Réfléchissez à la façon dont vous communiquerez les politiques et les procédures de votre programme. Même si vous aurez l’occasion de les faire connaître directement aux membres de votre programme, ceux-ci pourraient les oublier lorsque les choses vont bien. Il peut être très utile pour les gros programmes d’avoir un canal de communication passif et facile d’accès pour les politiques et les procédures, et en fait pour tous les messages concernant le programme. Si vous n’en avez pas déjà un, envisagez sérieusement de créer un site Web qui hébergera vos informations et les rendra universellement accessibles. Si votre programme est déjà présent sur le Web, veillez à consacrer des ressources suffisantes à la maintenance de votre site pour que son contenu demeure à jour. Il ne faudrait pas que les résidents, le personnel ou les candidats à un programme consultent un site Web qui n’a pas été actualisé depuis des années. AIMRS.cahttp://www.deptmedicine.utoronto.ca/emergency-medicine-resident-resourceshttps://www.mcgill.ca/internalmedres/ Le site des résidents en médecine interne de l’Université de l’Alberta (AIMRS.ca), celui des ressources aux résidents en médecine d’urgence de l’Université de Toronto (http://www.deptmedicine.utoronto.ca/emergency-medicine-resident-resources) et celui du Programme de résidence en médecine interne de l’Université McGill (https://www.mcgill.ca/internalmedres/) en sont de bons exemples. Songez à rappeler régulièrement certaines politiques et procédures aux parties prenantes touchées, surtout si le taux de roulement est élevé, par exemple au début de l’année universitaire.

4. Compréhension et compassion. En matière de procédures, deux autres conseils valent la peine d’être pris en compte. D’abord (et cela va de soi), assurez-vous d’entendre toutes les versions d’une « situation ». Lorsqu’un problème surgit à l’endroit d’un résident ou d’une résidente, il n’est pas rare que vous soyez mis au courant par un membre du personnel, et ce que vous entendez est habituellement préoccupant. Si vous ne prenez pas le temps d’écouter la version de la personne visée, vous pourriez faire une erreur lourde de conséquences en lui imposant des sanctions non justifiées ou inappropriées. Les directeurs des programmes de grande envergure n’ont pas aussi souvent l’occasion d’interagir directement avec les résidents que ceux qui dirigent de petits programmes. En écoutant ce que la personne visée a à dire, vous ferez non seulement preuve d’équité, mais vous pourrez aussi apprendre à la connaître. Cela nous amène au deuxième point. Aussi importantes que soient les politiques, la compassion a également sa raison d’être. Dans les programmes de moindre envergure, il arrive souvent que les résidents demandent conseil à leur DP, tant à propos de leur formation, que de leur vie personnelle et de la façon dont elle peut influer sur leur travail. Les résidents inscrits à un gros programme ont autant besoin de l’appui de leur DP que leurs homologues des petits programmes tandis qu’ils subissent les épreuves de la vie et qu’ils amorcent leur carrière. Cela ne signifie pas que vous devriez faire progresser les résidents qui n’acquièrent pas les compétences attendues. Vous devez par contre prendre des décisions qui tiennent compte de leur situation particulière et de la politique pertinente. Vous devriez chercher à comprendre les préoccupations ou les défis rattachés à leur identité et à leurs expériences, et entendre leur point de vue sur un enjeu. Si vous ne connaissez pas bien la personne visée, prenez le temps de la connaître; vous apprendrez peut-être ainsi pourquoi la situation a été portée à votre attention.  C’est l’un des aspects les plus délicats du travail des DP, et ce l’est peut-être encore davantage pour les directeurs des programmes de grande envergure où il n’est pas toujours possible d’avoir la même relation avec les résidents. Mais cela peut aussi être très enrichissant.

5. Innovation. Un gros programme, c’est une ruche bourdonnante d’activité où de nombreuses personnes sont impliquées à différents niveaux. Par conséquent, il peut être intimidant de même envisager de changer de rythme ou d’introduire des changements, surtout si le programme va bien. Néanmoins, ne vous laissez pas envahir par le doute. Bien des DP ont aussi un côté innovateur et peuvent avoir beaucoup de bonnes idées. Il faut être conscient qu’au fil du temps, la plupart des programmes qui cessent d’innover finiront par avoir un grain de sable dans l’engrenage, alors n’hésitez pas à réaliser vos idées et à essayer de nouvelles choses. Il n’est peut-être pas indiqué d’apporter des changements dès vos premiers jours au travail, mais il est tout à fait approprié – et attendu – que vous envisagiez des changements à l’issue d’un processus réfléchi et respectueux, à mesure que vous vous familiariserez avec le programme. Vous ouvrirez la voie à des changements fructueux en tissant des liens solides avec vos parties prenantes.

La prise en charge d’un vaste programme signifie souvent un important changement de carrière pour les DP. Vous avez sans doute déjà contribué à un aspect du programme à un autre titre, ou vous avez peut-être dirigé un programme de moindre envergure. Le fait d’être à la tête d’un gros programme de résidence vous accaparera beaucoup et vous ôtera probablement certaines de vos anciennes responsabilités. Pour beaucoup, ces autres responsabilités ont peut-être inclus du travail d’érudition. Les compétences associées à ce type de fonction vous seront utiles pour réussir dans vos nouvelles attributions. Par exemple, il est essentiel de recueillir des données non seulement pour suivre les progrès des résidents, du personnel enseignant et du personnel administratif, mais aussi pour savoir comment votre programme se comporte. Vous pourrez ainsi documenter les changements effectués et serez mieux en mesure d’en communiquer les réussites et les difficultés aux personnes concernées. Prendre la direction d’un programme de grande envergure est une excellente occasion d’effectuer du travail d’érudition, car vous avez à votre disposition beaucoup plus de points de données que les directeurs de petits programmes. S’ils sont bien utilisés, ces points de données peuvent éclairer l’avancement de votre programme et être transmis à d’autres personnes au pays et dans le monde afin qu’elles puissent bénéficier de votre expérience.

Récapitulons en examinant l’exemple du processus annuel du Service canadien de jumelage des résidents (CaRMS). Dans le cadre d’un gros programme, vous ne pouvez pas tout faire vous-même. Vous devez établir et suivre des règles et des procédures équitables et faciles à transmettre qui respectent vos paramètres pour l’examen des dossiers et la tenue des entrevues2. Vous aurez besoin d’une grosse équipe formée de membres du personnel ou de résidents, ou des deux, pour interviewer les nombreux candidats qui voudront s’inscrire à votre programme. Vous devrez être en mesure de communiquer à votre équipe les qualités que vous recherchez chez les candidats. Il vous faudra avoir confiance en la capacité de votre équipe de bien faire les choses et de bien représenter votre programme aux yeux des candidats. Vous devrez également communiquer directement avec les candidats au sujet de votre programme; cela se fera probablement par voie électronique, avant le processus d’entrevue. Lorsque vous aurez terminé, vous disposerez d’un large éventail de données que vous pourrez utiliser pour innover, actualiser et améliorer votre processus pour l’année suivante, ainsi que pour rendre compte de vos expériences à d’autres programmes et DP.

Conclusion

En fin de compte, faites de la direction de programme un travail qui sera à votre image. En communiquant efficacement et en tissant des liens solides, vous pourrez inspirer confiance à votre entourage. La communication et la confiance vous permettront de bâtir une infrastructure de programme favorisant un environnement d’apprentissage équitable. Même si vous dirigez un programme de grande envergure, créer un équilibre entre les règles et la compassion demeurera au cœur de votre fonction. Et n’oubliez pas d’être un érudit, car cela rendra votre travail beaucoup plus marquant et votre expérience en tant que DP – déjà satisfaisante en soi – beaucoup plus intéressante et enrichissante.

Conseils

  • Ne sous-estimez jamais la valeur de la communication. Faites un effort conscient pour garder les canaux de communication ouverts avec les résidents et le personnel.
  • Un grand nombre de médecins travaillent au sein des programmes de grande envergure. Utilisez-les. Gagnez leur confiance pour tirer parti de leur sagesse et de leur expertise dans toutes les facettes de votre programme.
  • Les politiques et les procédures sont importantes, mais elles doivent être équilibrées avec de la compassion. Si vous trouvez cet équilibre, vous aurez du succès.
  • Les programmes d’envergure produisent de grandes quantités de données. Ne vous en passez pas. Prenez le temps d’utiliser ces données pour améliorer votre programme et innover. Ce que vous apprendrez tout au long du processus pourrait aussi être utile à d’autres programmes.

Références

  1. Gestion d’un comité de compétence. Ottawa : Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Accessible au : http://www.royalcollege.ca/rcsite/cbd/assessment/committees/managing-competence-committees-f
  2. Bandiera G, Abrahams C, Cipolla A, Dosani N, Edwards S, Fish J, et al. Best practices in applications and selection: final report. Toronto: Postgraduate Medical Education, University of Toronto; 2013.